
« Ce projet est un non-sens ». L’association intercommunale de défense de la Butte du Parisis (Aidbp), que vient de créer un groupe de riverains, dénonce avec vigueur le projet d’extension en souterrain, sur 160 hectares, de la carrière de gypse sous la butte boisée du Parisis (voir nos éditions précédentes). Elle craint en effet les « dangers et nuisances que ce projet veut faire peser pendant trente ans et plus sur nos communes ». « Nous nous sommes rencontrés lors de l’enquête publique », explique Myriam Denis-Ledru. Parmi les points d’inquiétude, les tirs de mine. « Entre 40 m et 80 m de profondeur, à 20 m des habitations, ça correspond à 1,2 sur l’échelle de Richter, assure un des membres de l’association. Cela va occasionner des fissures dans les maisons, même si Placoplatre assure du contraire ». Selon le maire de Cormeilles, Yannick Boëdec (Lr) « en souterrain, il y aura moins de risques ». Pour Placoplatre, il n’y a aucun risque (encadré).
Dévaluation des biens ?
Mais l’argument ne prend pas et ces habitants craignent clairement d’ores et déjà « une dévaluation de leurs biens, dans les hauts de Cormeilles. Placoplatre ou la mairie nous sortent l’argument qu’on exploite bien le gypse en souterrain sous la forêt de Montmorency », lance Bernard Vauvelle. « Contrairement à Montmorency, notre butte accueille un centre de loisirs, un Cat ( La Montagne), une école Montessori, le fort, un stade, le parc Schlumberger.».
« Les fontis ici, on connaît depuis longtemps, à Cormeilles ou Montigny. En forêt de Montmorency aussi !», glisse Christian Hue. « On nous dit toujours que c’est lié à un phénomène naturel. C’est toujours le même discours. Quand il a fallu remblayer le fontis du cimetière de Sannois, cela a coûté plus d’un million d’euros. »
Les autorités parlaient de cavités liées à une exploitation de la fin du XIXe siècle, non remblayée. « Encore aujourd’hui, le remblaiement des galeries n’est jamais fait à 100 %. À terme, il y a des risques ».
Et ils émettent des inquiétudes sur la qualité des remblais « inertes » issus du Grand Paris. Des remblais qui viendront par camions. « Jusqu’en 2036 pour la carrière à ciel ouvert et jusqu’en 2046 pour la carrière souterraine, on va subir 700 rotations de camions par jour, dont 500 par le nord, via Franconville et Sannois. Si les routes sont abîmées, ce sont les contribuables qui paieront pour les rénover, certainement pas l’exploitant ».
La question de la bretelle d’accès direct à l’A15, que les maires souhaitent (à condition qu’elle soit financée par Placoplatre), n’est pas réglée.
Pour l’association, le déboisement de deux hectares, nécessaire pour aménager le nouvel accès à la carrière souterraine, provoquera la « mise en péril d’espèces animales ». « Ce projet est en incohérence totale avec les objectifs de la Cop 21. On va subir les camions alors que la pollution et les particules fines sont responsables de dizaines de milliers de morts chaque année. »
L’association attend les conclusions du commissaire-enquêteur, mais elle prévient : « S’il le faut, on ira en justice. On est déterminé.»
Une communication insuffisante ?
« On aurait pu s’attendre à une communication importante de la part des communes… Mais la discrétion a été totale. Aucune réunion publique. C’est étonnant sur un tel projet ! ». Les villes de Sannois et de Franconville ont exprimé un avis négatif à ce projet.
Pour le maire de Sannois, Bernard Jamet (Lr), « l’avis du conseil municipal a été unanime, nous n’avons pas de visibilité sur l’exploitation de cette carrière. Par ailleurs, je n’ai jamais été convié aux réunions concernant la bretelle de l’A15 ». Cormeilles-en-Parisis a en revanche autorisé l’extension de la carrière dès 2011 sur la partie la concernant.
L’Aidbp regrette aussi que l’enquête publique n’ait duré qu’un mois, « quand la loi permet d’aller à deux mois ».
La réponse de Placoplatre
« Placoplatre est une entreprise responsable, qui s’engage sur l’ensemble de ses chantiers à assurer la santé et la sécurité de ses salariés et à préserver l’environnement », assure Gilles Bouchet, responsable du développement des carrières chez Placoplatre. « L’exploitation se fera sans aucune interaction avec la surface et donc sans risque pour le fort. » Il précise qu’il n’y aura « aucune exploitation sous les infrastructures et secteurs d’habitation de Cormeilles. Une distance de recul réglementaire est appliquée par rapport à toute habitation. L’exploitation se fera au sein de la première masse de gypse, dans laquelle il n’y a aucune nappe phréatique. La première nappe phréatique (qui ne sert pas à la consommation) est située très en dessous, donc aucune interaction possible. Enfin, l’exploitation n’aura aucun impact sur le paysage, car exclusivement réalisée en souterrain. »
Une Zad dans les bois de Cormeilles ?
Fabrice David, délégué départemental des Nouveaux Écologistes du Trèfle, ancien élu d’opposition de Franconville, avait appelé les habitants à signifier leur opposition au projet lors de l’enquête publique. Il envisage maintenant la possibilité de lancer à la rentrée de septembre une « zone à défendre » dans les bois de la butte de Cormeilles.