
L’humoriste a tourné la page de sa revue de presse « des journaux que personne ne lit » (©GiovanniCittadiniCesi)
Des spectateurs remarquent que votre one-man-show devrait être remboursé par la sécu. Peut-on venir vous voir avec une ordonnance ?
Vous ne croyez pas si bien dire ! On m’avait fait la remarque lors de mon précédent spectacle alors j’ai essayé de faire des démarches pour que celui-ci soit remboursé et je me suis adressé à la sécu. J’en ai écrit un sketch. Finalement, ce spectacle, c’est une sorte de grande consultation. Le rire a de vraies vertus, on va mieux quand on a bien ri.
Certains vont même jusqu’à dire que ce spectacle est jouissif, ce qui fait économiser 150 €, en moyenne, par rapport à un gigolo (oui, j’ai compté). Pensez-vous augmenter vos tarifs ?
Conserver des tarifs pas chers, c’est un de mes grands combats. Je fais très attention au prix des places, notamment à Paris. J’aime bien quand c’est accessible même quand on est connu. La culture devrait être pour tout le monde. Il faut m’interdire de présence dans la ville le jour où la place est à 70 € ! Mais ça n’arrivera jamais, c’est un peu une obsession chez moi.
Les critiques sont-elles importantes pour vous ?
Les critiques des professionnels sont rassurantes. J’ai aussi beaucoup de retours positifs du public que je rencontre à l’issue du spectacle. Quand ils me disent qu’ils ont bien aimé ou que je le lis sur leur visage, il faut bien avouer que ça fait plaisir, même si certaines personnes ne sont pas sensibles à cet humour un peu décalé, j’en ai conscience. J’aime surtout quand on me dit que mon spectacle ne ressemble à aucun autre. J’ai tourné la page de la revue de presse, il n’y a plus de « Sanglier Passion » ou de « Funéraire Magazine ».
Comment fait-on pour travailler un texte qui ne ressemble à rien d’autre justement ? D’où puisez-vous vos idées ?
Quand une idée incongrue me traverse l’esprit, je la note. C’est ce qui fait que je passe du coq à l’âne. Pour le début, au moment où j’écris, je ne me demande pas par quel sketch je vais commencer mais ce que j’ai envie de dire au public pour le faire rire. Et souvent, ce n’est pas un sketch. D’ailleurs mon spectacle n’a pas la forme d’une succession de blagues, mais plutôt une continuité d’idées. C’est long à fabriquer parce qu’il faut donner l’impression que tout est improvisé et que tout découle naturellement.
C’est donner de la cohérence à l’absurde, finalement…
Oui, d’autant que l’absurde a un sens, contrairement à ce qu’on peut penser. L’absurde, ce n’est pas ce qui ne veut rien dire. L’absurde, c’est faire un pas de côté par rapport à la réalité, c’est une association d’idées incongrues. Mais ce n’est pas quelque chose qui n’a pas de sens sinon on s’ennuierait et on ne rirait pas autant.
Ce côté absurde, est-ce que c’est aussi pour pointer le non-sens du monde et de la vie en général ?
En effet, ici et là, je pointe l’absurdité de pas mal de choses du monde actuel mais ce n’est pas un objectif que je cherche à tout prix. Ce spectacle est d’abord fait pour divertir, pas pour donner une leçon ou un point de vue engagé sur quoi que ce soit. Il n’y a pas du tout de politique, par exemple. C’est un spectacle intemporel dans lequel je prends le contre-pied de ce que les gens attendent d’un one-man-show. Et, en ça, c’est nouveau. Le minimalisme dans le texte permet de m’orienter dans une direction qui semble n’avoir pas trop été empruntée.
Pourriez-vous nous expliquer l’affiche de votre spectacle avec le masque qui se détache du visage ?
Quand on fait un one-man-show, en général, il faut mettre une photo de soi, de préférence en train de faire une grimace avec un titre du genre « machin revient », « machin n’est pas content », « ça va décoller ». J’en avais marre dans ces codes des humoristes. Je me disais que les gens s’en moquent de voir ma photo. Mon physique ne mérite pas d’être affiché partout. J’ai préféré confier l’affiche à un illustrateur très talentueux, Sébastien Plassard. Il a réalisé quelque chose d’absurde avec le masque qui symbolise la comédie. C’est son regard sur mon travail.
Une interview dans « un journal que personne ne lit » : est-ce que vous avez la sensation que la boucle est bouclée ?
Je n’en crois pas un mot ! J’appelais ma revue de presse improprement « la revue de presse des journaux que personne ne lit » mais en réalité, il s’agissait de magazines très lus. Par exemple, « Sanglier Passion » est plus édité que d’autres journaux nationaux plus connus. C’était clairement de la mauvaise foi. Ces journaux méconnus étaient souvent très lus, comme le vôtre.
Propos recueillis par
Vanessa RELOUZAT
Renseignements
Chris Esquerre, « Sur rendez-vous », mardi 26 mars, à 20h30, au Théâtre-Sénart.
Plus d’infos : 01 60 34 53 60.