« On va boire un coup en terrasse au port ? » « Volontiers. Et comme il fait beau, si on allait faire un tour sur la Seine avec ton bateau ? » Ce dialogue fictif pourrait être une réalité dès 2022. Vivre au bord de l’eau, un rêve pour beaucoup. À Cormeilles-en-Parisis, le lien avec le fleuve est quasi inexistant, contrairement à Herblay ou La Frette-sur-Seine. En venant de Sartrouville (Yvelines), route de la Seine, on tombe sur une friche industrielle. Pas très valorisant !
22 hectares au bord de l’eau
La cimenterie, créée par Lambert, propriétaire de la carrière de gypse, au lendemain de la Première Guerre mondiale, a quasiment cessé toute activité en 1998. À partir de 2004, l’usine a été démantelée. Elle sert de dépôt et de plateforme de distribution, grâce au port.
Reste d’immenses silos, des bâtiments tagués et une passerelle aérienne. En 2009, élu maire de Cormeilles un an plus tôt, Yannick Boëdec (Lr) écrit à Lafarge. Il aimerait faire supprimer cette verrue. Germe l’idée d’une reconversion. « La difficulté, explique l’élu, c’était que Lafarge, qui possède à Cormeilles son plus grand linéaire sur la Seine, 800 mètres, trouve la même surface ailleurs. Ils ont fini par trouver au port de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), ce qui nous a permis de commencer à discuter ». Fin 2013, en lançant sa campagne pour les municipales, l’élu évoquait le projet de transformer ces 22 hectares en «un petit port, sur le modèle de Port-Cergy».»
Il aura fallu plus de huit ans pour trouver un aménageur. « Personne ne cédait », reconnait l’élu. « Lafarge ou l’aménageur nous demandaient de modifier le Plan local d’urbanisme (Plu) pour amener un projet… Et nous, on disait l’inverse. Au final, ils sont venus avec un projet.» La promesse de vente à Bouygues a été actée en décembre dernier. La vente est prévue fin juin.
« Lafarge avait lancé un concours d’idées. Quatre aménageurs ont répondu. On est tout de suite tombés amoureux du projet de l’architecte Xavier Bohl, qui n’était pas au départ celui de l’aménageur », confie Yannick Boëdec.
« Nous créons un morceau de ville »
Une architecture classique, « à l’ancienne, qui ressemble à Cormeilles » : les élus ont flashé. Cela ressemble à Port-Cergy. Sans doute pas un hasard puisque Xavier Bohl a conçu l’architecture de la première marina d’Île-de-France au début des années 90, quand il travaillait pour l’architecte François Spoerry, qui avait conçu le célèbre Port-Grimaud. Xavier Bohl a ensuite reçu plusieurs prix pour son projet au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), une cité-jardins avec sa rivière artificielle. « C’est très beau », soufflent les élus cormeillais.
Port-Cormeilles ne sera pas qu’un port de plaisance mais un quartier, comme les Bois-Rochefort, avec lequel il sera relié par une route à travers le plateau. « C’est une condition sine qua non », souligne le maire. « Pas question que les voitures passent par La Frette ou Sartrouville pour rejoindre le quartier ». Un téléphérique est même envisagé. Une école de 12 classes, peut-être intercommunale avec La Frette, ainsi qu’une crèche de soixante berceaux sont au programme. La Ville espère les voir financer par l’aménageur.
« Nous allons créer un vrai quartier, un morceau de ville », explique Yann Aubry, directeur de l’aménagement et du développement chez Urbanera, une filiale de Bouygues, spécialisée dans la création de quartiers « durables ». « Ce que nous faisons ici à Cormeilles est ambitieux. Fabriquer une marina, ce n’est pas anodin. » Urbanera veut concevoir avec la municipalité un quartier « autour d’un espace commerçant, avec un marché forain, un certain nombre de restaurants et retrouver l’esprit guinguette, une moyenne surface, des commerces de proximité. Pour le port de plaisance, il y aura un bassin que nous allons creuser dans la partie en terre et nous réutiliserons les quais existants. On part sur 120 à 180 anneaux. On s’adaptera en fonction du marché ». Urbanera ne communique pas les coûts de l’opération (achat du site, déconstruction et dépollution). L’aménageur espère aussi les premiers habitants en 2022 et que ce quartier soit « bien avancé autour de 2024 ».
« On est tombés amoureux ! »
Port-Cormeilles est un projet privé qui ne coûtera rien à la Ville. « Cela suscite beaucoup d’envie, je l’ai vu en publiant l’info sur ma page Facebook, je n’ai jamais eu autant de visites, de partages et commentaires », assure Yannick Boëdec. « Il y a de l’attente. Les gens qui ont un bateau n’ont pas tous un anneau à Port-Cergy », ajoute Nicole Lanaspre, première adjointe (Lr) au maire.
L’enquête publique de modification du Plu pourrait démarrer dans un an. Avec un début des travaux, “dans un monde idéal”, précise Yannick Boëdec, “fin 2019″.
Un téléphérique à Cormeilles-en-Parisis ?
« Ce téléphérique, c’est notre folie », sourient les élus cormeillais, qui imaginent ainsi ce moyen de transport pour relier Port-Cormeilles à Maisons-Laffitte (Yvelines), en passant au-dessus de la Seine, ainsi qu’au Tcsp (transport en commun en site propre) du T2, côté gare de Cormeilles. « Il existe un département téléphérique au Syndicat des transports d’Île-de-France. Ça aurait du sens. Je viens d’en parler au directeur du Stif », explique Yannick Boëdec. Brest a inauguré un téléphérique l’an dernier. D’autres projets sont à l’étude à Toulouse et en Île-de-France. Chez Urbanera, on est séduit. « Techniquement, ça semble être une bonne réponse en terme de transport, c’est pertinent et permettrait de franchir la Seine et les coteaux », commente Yann Aubry, directeur de l’aménagement et du développement chez Urbanera.