Ce livre est aussi l’occasion pour le député de se raconter personnellement : l’enfant du Havre, parents gaullistes, issu d’un « milieu populaire », quis’est fait sa culture seul grâce aux livres. « Un taiseux, comme on dit en pays de Caux. »
À Sciences Po, “la lutte des classes”
À Sciences Po Paris, dans la chambre de bonne louée dans le « très chic » 16e, il cotoie les fils et filles de Janson-de-Sailly. Sciences Po ou l’apprentissage de « la lutte des classes ». La politique, qu’il voit comme un « sacerdoce », il « adore ça ». Il ne cache ni son « ambition » ni son « orgueil » ni sa soif de « laisser une trace ». Dans les années 90, sur les conseils de Fabius, patron du PS de Seine-Normandie, il arrive dans le 95, où les Fabiusiens sont minoritaires. Deux tentatives ratées à la mairie de Cormeilles et deux autres échecs (dont un comme suppléant de Maurice Boscavert) à la députation. Élu conseiller général en 1998, il n’est pas réélu en 2001. Mauvaise passe…
Il s’autoparachute fin 2003 à Argenteuil, « terre d’adoption » où il dit être en « vibration » avec cette ville populaire, s’y sentant « tripalement bien ». Élu conseiller général six mois après, il est élu maire en 2008. « Une victoire inattendue ». Doucet admet avoir une personnalité « clivante. On adhère ou on rejette ».
Un caractère “clivant”, un “management rugueux”
D’emblée, il veut appliquer en mairie les « méthodes du privé ». Un « management rugueux », qui, à ses yeux, « porte ses fruits à partir de 2011 ». Tous ne partagent pas sa façon de faire. L’ex-maire ne se prive pas pour tacler le syndicat CGT des territoriaux, mais aussi ses anciens alliés de Lutte Ouvrière. Pas cité, mais visé, Dominique Mariette est en désaccord total avec sa présentation des faits.
Philippe Doucet, omniprésent dans les médias, porte-flingue du Premier ministre contre la CGT pour défendre la loi El Khomri : un bulldozer qui se rêve certainement ministre.« Derrière la machine de guerre, il y a un être humain ». Du bilan 2008-2014, il cite en premier le parc des Berges, puis les« 500 logements sociaux reconstruits », la « remise à niveau des équipements publics », la « mise en valeur du patrimoine »,la Silicon banlieue, la bataille pour sauver la radiothérapie à l’hôpital, etc.
Philippe Doucet n’épargne pas le maire (LR) actuel, qu’il ne cite jamais. Il revient sur l’image d’Argenteuil, associée à la « racaille » depuis la visite de Sarkozy en 2005 sur la dalle. ( « Je comprends que la clochette Sarkozy me poursuivra tout le mandat. »)Ce qui a entraîné une « diète » médiatique, avec la presse nationale, jusqu’en 2012. Il a même envoyé promener Ségolène Royal, qui voulait en 2010 répondre depuis Argenteuil au discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy ! Le livre est aussi l’occasion de revenir sur d’autres épisodes du mandat, comme les rumeurs, qu’il aura fallu démonter… en invitant par exemple sa femme à l’accompagner aux voeux…
Un seul regret : les impôts. Il les a augmentés deux fois. L’équipe actuelle lui reproche le trou de 17 millions d’euros dans la caisse : lui épingle la«grande lâcheté » de ses prédecesseurs qui n’ont pas augmenté les impôts pendant sept ans, et de ne pas avoir pris leur « part ». « L’État savait. Argenteuil était dans le réseau d’alerte dès 2005. Nous ne disposions pas de ces données. » Le sous-préfet de l’époque en prend pour son grade. C’est enfin l’occasion aussi de se défendre des accusations de communautarisme ou des coups de canifs à la laïcité. Chacun aura sa lecture de ce bilan.
Candidat à nouveau en 2020 ?
Quant à l’avenir, Philippe Doucet rêve de redevenir maire, c’est évident, mais ce serait alors pour écrire « une autre histoire ». « Tout reste ouvert pour 2020 », écrit Marine Chailloux, qui voulait en participant à ce livre « offrir au lecteur une image lucide du monde politique local ».
Réveiller Argenteuil, la belle endormie. 10 euros. 243 pages. Disponible au Presse Papier, 28, avenue Gabriel-Péri, Argenteuil.
Philippe Doucet, député PS, a demandé à Marine Chailloux, journaliste à Radio France, d’être sa « sage-femme » c’est à dire « l’aider à accoucher de ses idées ».