
Pierre-Marie Perrillat, lui-même victime, veut témoigner qu’on peut pardonner la pédophilie d’un prêtre.
Pierre-Marie Perrillat a 66 ans. Enfant, il a été violé par un prêtre, en Savoie. Il vit désormais à Lille. Il veut témoigner qu’on peut pardonner.
Il a fait une croix sur l’Église pendant 15 ans. Pierre-Marie Perrillat a été abusé par un prêtre, devenu évêque, lorsqu’il était adolescent, de 13 à 15 ans environ. Il habitait alors en Savoie. « J’étais dans un internat… »
Il en parle à sa mère. « Elle ne m’a pas cru, elle pensait que je n’aimais pas l’internat. Je ne la juge pas. » Il reste donc dans l’établissement.
Alcoolisme
Son calvaire dure 3 ans. Puis, il intègre un collège public. « Là, j’ai commencé à boire. J’aurais moi-même pu devenir un pervers. Quand le mal te tient, il veut que tu restes prisonnier. À l’époque, je ne voyais pas de rapport entre ce qui m’était arrivé enfant et l’alcoolisme ».
Il boit jusqu’à l’âge de 27 ans. « Lors d’une fête, je buvais une fois de plus. J’ai entendu une petite voix très douce me dire : ‘Demain, va te faire désintoxiquer’. Avant d’être hospitalisé, j’ai fait tous les bistrots qui étaient sur ma route ».
Là, il ne sait pas encore que c’est Dieu qui agit dans sa vie. « Si je m’étais dit que c’était Dieu, je serai parti en courant ! Dieu est discret et délicat dans nos vies… »
Depuis, il a arrêté de boire, avec 2 rechutes jusqu’à sa guérison totale depuis 2000.
Je suis passé de la mort à la vie
Sa vie change radicalement. Un mois et demi après, il rencontre celle qui deviendra sa femme. Ils se marient. « C’est en préparant mon mariage que tout ce que j’avais appris dans mon enfance est revenu. À la préparation au mariage, j’ai dit devant d’autres couples : ‘Moi, je suis un Ressuscité, je suis passé de la mort à la vie’… ». Ce n’était qu’une étape.
Il s’engage dans le Renouveau charismatique à partir de 1982 à Lille. Il ne sait pas encore que son chemin de foi ne fait que commencer.
Sa guérison spirituelle
En 2003, il vit ce qu’il appelle « sa guérison spirituelle ». « C’était la Toussaint. Un prêtre d’Inde est venu prêcher à l’église St Pierre St Paul à Lille. Je faisais partie de l’équipe accueil, je faisais le service d’ordre aux portes de l’église. À un moment, le prêtre a arrêté son prêche pour aller se mettre à genoux devant la croix. Il a pleuré. Il a prié pour les enfants victimes d’actes pédophiles de prêtres. Ce qui m’a particulièrement frappé, c’est qu’il a ajouté ‘et victimes d’évêques’. Je me suis mis à trembler. J’ai senti une présence derrière moi. J’ai entendu : ‘Pierre, j’ai besoin de ton pardon pour ce prêtre’. J’ai répondu : ‘Pour moi, il est blanc comme neige’. Ce fut comme une libération ».
Il se renseigne : le prêtre de son enfance est décédé en 1994. La justice des hommes ne passera jamais sur ce cas. Mais Pierre-Marie le vit bien. « J’ai décidé de faire dire des messes pour lui. Cet homme est aussi une victime ».
C’est impardonnable. Mais avec Dieu, tout est possible
Le pardon lui semble impossible à l’échelle humaine : « C’est impardonnable. Mais avec Dieu, tout est possible. Le fait de pardonner est un miracle ». Depuis, Pierre-Marie vit, de miracle en miracle, la présence de Dieu dans sa vie.
Quel est son message à ceux qui veulent quitter l’Église ?
Ils sont libres. Je leur dis : ‘Restez au moins en Christ’. Même je crois que si on quitte l’Église, on est en danger… C’est comme un supporter qui voudrait quitter son équipe quand elle perd. Quand tout va mal, on ne quitte pas un ami.
Église bouc-émissaire
Il estime que « l’Église est le bouc-émissaire de tout ce qui va mal dans la société. Elle a posé des actes contre la pédophilie des prêtres. Je trouve qu’elle en fait plus que la République sur ce sujet ! Combien de recteurs d’académie ont été accusés de complicité quand un enseignant était soupçonné d’être pédophile ? »
Quant aux membres de l’association La parole libérée, il les comprend « car j’ai connu la même colère qu’eux ». Mais il estime que leur démarche est vaine. « On peut libérer la parole, mais si on reste dans les ténèbres, on est enfermé… »
Aujourd’hui, il veut témoigner qu’une autre voie est possible.
On n’entend dans les médias que ceux qui sont encore prisonniers de leurs blessures. D’autres comme moi, et je pense que nous sommes majoritaires, ont fait un chemin de vie dans l’Église. Il faut qu’on entende ceux qui se sont reconstruits avec Jésus.
Il aimerait écrire son histoire dans un livre et recueillir d’autres témoignages comme le sien. « Si je devais créer une association aujourd’hui, je l’appellerai ‘Les cœurs apaisés’… »