
Ils étaient près d’une cinquantaine, mercredi 16 septembre, devant l’usine Bonna Sabla, située en bordure de la N184, à Conflans-Sainte-Honorine. Certains venaient de l’Oise, de Bretagne ou du Languedoc-Roussillon. Une cinquantaine, pour protester contre la politique de réembauche de l’entreprise spécialisée dans la fabrication de pièces en béton armé. Malgré l’arrivée de forces de l’ordre, la manifestation s’est déroulée dans le calme.
Relance de l’activité
Pour comprendre la situation, il faut se replonger quelques années en arrière. En 2012 et 2013, faute de commandes, la direction générale de Bonna Sabla a été contrainte de licencier l’ensemble des salariés de l’usine par l’intermédiaire de deux plans sociaux, impactant consécutivement 50 puis 16 employés. Puis, en juin dernier, l’activité de l’usine a repris grâce aux besoins du Grand Paris, avec notamment la fabrication des voussoirs, ces grandes pyramides tronquées faites de béton utilisées pour la construction du tunnel de prolongement de la ligne 14 du métro entre Saint-Lazare et la mairie de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).
«Cette relance de l’activité est une bonne chose, notamment pour l’emploi, mais le problème est qu’aucun des anciens salariés n’a bénéficié de la priorité de réembauche à laquelle ils peuvent prétendre, peste Patrick Ferrez, représentant de la CGT 78, qui a travaillé à Bonna Sabla Conflans pendant 41 ans. De plus, la direction a embauché une soixantaine de personnes, mais elles sont toutes en intérim !»
«Peur pour leur emploi»
«Ce que nous réclamons, c’est un dialogue constructif avec les repreneurs. Car depuis notre licenciement, il n’y a plus de délégués syndicaux, et les nouveaux employés se font abuser sans pouvoir se défendre. Mais ils ont peur de dialoguer avec nous, sûrement par crainte de perdre leur emploi», poursuit un autre ancien salarié de Bonna Sabla.
Concernant leurs cas personnels, les ex-Bonna ont porté l’affaire devant la justice. Trente dossiers ont été examinés aux prud’hommes pour non respect du licenciement économique et transfert abusif de l’activité. Et, lundi 21 septembre, la justice a donné raison à vingt-deux des dossiers des anciens de l’usine dans laquelle, il y a 40 ans, 450 salariés travaillaient encore.
«Avec ces gens, nous ne nous comprenons pas»
• Bruno Lemière, directeur Grands Projets de l’entreprise Bonna Sabla de Conflans :
«Je ne souhaite pas réagir plus que ça. Avec ces gens, nous ne nous comprenons pas. Je les ai rencontrés ce matin (NDLR : mercredi 16 septembre) pendant 45 minutes, je leur ai expliqué la position de l’entreprise. C’est vrai que nous avons pu faire repartir cette usine grâce à l’acquisition de nouvelles commandes, mais nous n’avons pas de vraie visibilité au-delà du deuxième trimestre 2016, nous n’avons pas de garanties de commandes supplémentaires.
Il y a eu douze demandes d’anciens salariés. Six ont été acceptées, deux ont refusé la réembauche et quatre n’ont pas été repris car ils n’avaiant pas les compétences requises pour participer à ce nouveau projet. De notre côté, nous avons une vraie volonté de transformer les emplois en intérim en contrats à durée déterminée (CDD), mais pour cela nous devons d’abord retrouver une stabilité de production.»
«Les voussoirs, je connais par cœur»
• Jean-Paul, 45 ans, ancien salarié
«Ma situation personnelle est quand même incroyable. Après 25 ans de bons et loyaux services dans cette usine, j’ai été licencié comme mes autres collègues. J’ai reçu une lettre me signifiant que je pouvais bénéficier de la priorité de réembauche mais, lors de mon entretien, on m’a indiqué que je n’avais pas les compétences requises pour travailler de nouveau ici. C’est quand même gonflé, sachant que je connais mieux le travail que l’embaucheur ! Les voussoirs, je connais par cœur. Aujourd’hui, je n’ai plus aucun espoir de travailler à Bonna Sabla. Depuis mon licenciement, je suis à la recherche d’un emploi. Entre vous et moi, je pense que je paye mon appartenance à la CGT…»