
Ce rôle a donné envie à Anne Parillaud de poursuivre le théâtre. © : Jean Stey
78actu : Vous êtes plutôt une actrice de cinéma. Vous avez fait du théâtre à vos débuts mais plus depuis. Qu’est-ce qui vous a poussée à accepter ce projet ?
Anne Parillaud : « Le metteur en scène, Stéphane Cottin, m’a proposé le rôle de Mrs Robinson. J’ai alors lu le script. Ce qui est assez anecdotique c’est que deux ans auparavant, Dominique Besnehard m’avait dit « Il y a un personnage qu’il faut absolument que tu joues : Mrs Robinson. » J’avais lu le script et je l’avais refusé. Je ne l’avais pas senti. Deux ans plus tard, le projet est le même mais avec un autre script. Et dans sa façon d’expliquer et d’envisager le projet, Stéphane Cottin m’a convaincue. Cela a même été évident. Il y a des périodes dans la vie où l’on est prêt pour quelque chose et d’autres pas.
Était-ce un challenge pour vous de monter sur les planches d’un théâtre ?
J’ai considéré que c’était comme ma première fois. J’ai eu la terreur de ma vie ! Mais le désir a supplanté la peur ; c’était une terreur jouissive. C’est terrifiant mais j’ai adoré ! Cela a été comme une révélation. Une nouvelle porte s’est ouverte. Maintenant, j’ai autant envie de faire du cinéma que du théâtre.
Avant de monter sur scène avez-vous des rituels, des tics ?
Je prends énormément de temps ! En général, j’arrive trois heures avant et je m’enferme dans ma loge. Cela me permet de me retrouver avec mon personnage. Ensuite, j’aime bien être en coulisses, dans le noir, quelques minutes avant la pièce. Et dans Le Lauréat, comme je ne suis pas dans la première scène, je suis toute seule en coulisses, à voir l’ombre et la lumière. C’est à ce moment là qu’avec mon personnage on se prend la main. Il est déjà arrivé pour diverses raisons que je n’ai pas ce moment et j’avoue que cela m’a perturbée.
Mrs. Robinson a l’air d’être une personne sûre d’elle et manipulatrice en façade mais au fond c’est une autre histoire. Pouvez-vous nous dire qui elle est ?
C’est exactement ça. Mrs Robinson, c’est cette dichotomie. En apparence, c’est une femme forte, transgressive, provocante, extrêmement moderne, avant-gardiste ; elle se moque du regard des autres, des normes. Mais en fait, elle a une faille, une blessure profonde. C’est une femme très intelligente, elle observe le monde dans lequel elle vit, elle s’ennuie. C’est une alcoolique moderne, elle boit car elle a un mal-être profond alors qu’elle a tout. Tout sauf l’essentiel. Elle n’a pas d’amour, sa vie est un désert affectif, un désert humain, elle ne partage avec personne ce qu’elle est. Pour fuir, elle se réfugie dans l’alcool. Elle est touchante malgré sa provocation.
« Je n’aime que les choses intenses »
La rencontre avec le jeune Benjamin va tout changer ?
En apparence, Mrs Robinson est une quadra qui séduit un jeune diplômé de 20 ans. Ce jeune en fait, c’est sa résonance. Il a tout pour lui, comme elle ; il est promis à une brillante carrière sauf qu’il est perdu. Pour ces deux êtres, le problème c’est le sens de la vie. Elle perçoit cela chez lui. Elle veut partager et en même temps lui éviter l’abîme dans laquelle elle est tombée. Dans son inconscient, il y a la volonté de le sortir de là. C’est toute cette palette complexe d’émotions qui est très intéressante à incarner.
Après un rôle comme ça, on a l’impression que cela va sans doute être difficile d’en trouver un autre du même niveau, qu’en pensez-vous ?
C’est le problème de ma vie ! Je n’aime que les choses intenses, fortes. Normalement, le rôle suivant doit supplanter le précédent. Mais chez moi, il y a toujours cette fuite vers la recherche de l’impossible, qui m’amène à ne pas travailler autant que je le voudrais. Je préfère ne pas faire les choses que de les faire à moitié. »
Le Lauréat, vendredi 22 mars à 20h30 à la Grande Scène du Chesnay. Tarifs : 30 à 42 €. Rens. : www.lechesnay-rocquencourt.fr